La rive Ouest et tout le reste


Troisième et dernière journée à Luxor. On retrouve notre capitaine Mahmoud Mohamed, alias Zege, à l’embarcadère de l’hôtel, à 8h, comme prévu. Bateau à moteur cette fois pour traverser le Nil plus rapidement, nommé Tom & Jerry. De l’autre côté, on rencontre son oncle qui doit nous conduire pour la journée. Première destination : la célèbre Vallée des Rois. Dans les lectures de la veille, on nous recommande Ramses III et IV, entre autres. Un ticket de 100 LE (15$) nous donne accès à trois tombes… on verra se dit-on. La tombe de Toutânkhamon est aussi à 100 LE le ticket, mais comme nous le rappelaient Zege et son oncle, il n’y a vraiment rien à voir, comparé aux autres tombes. C’est plus petit (il est mort à 19 ans après 10 ans de règne) et toutes les richesses sont surtout disséminées au Caire, comme nous l’avons vu plus tôt dans la semaine, et au British Museum, où je suis allé il y a 25 ans environ. Comme la dernière fois que je suis venu, il est clairement indiqué que les photos dans les tombeaux sont interdites, mais on demande cette fois de laisser l’appareil à l’entrée. Non, que je réplique, je vais le mettre dans mon sac. Surtout que je compte quand même faire un peu de paysage.  

On paie aussi un petit train pour se rendre aux tombes, 4 LE. Comme nous sommes les seuls touristes, le conducteur nous propose d’embarquer à l’avant, avec lui. Étrange. Nous comprenons rapidement : il veut nous vendre des tickets supplémentaires, à prix réduit. Pas reposant, la journée ne fait que commencer me dis-je. Je prends les deux tickets, bons pour cinq entrées, mais je réplique que je paierai au retour, en fonction de ce que nous aurons utilisé. Il accepte. Faut vraiment qu’il y ait peu de touristes pour offrir ce genre de trucs et être certain de pouvoir nous retrouver à la fin. On descend quelques minutes plus tard et on amorce notre visite avec la tombe de Ramses III. Vraiment magnifique. En ressortant, on passe à côté de celle de Toutânkhamon. Les gardiens nous font signe de descendre dans la partie de l’accueil, pour lire les panneaux. Andréanne est aussi invitée à voir, du haut de l’escalier qui y donne accès, la première salle, mais naturellement, les deux gardiens aimeraient avoir quelque chose en échange… ce sera d’ailleurs l’histoire de la journée : partout où nous allons, on veut nous offrir le petit quelque chose de plus, le «pas permis», pour un petit bakchich. Nous refusons et visitons deux autres tombes. La main tendue chaque fois, pour nous avoir pointé une image, nommé un personnage, fait un clin d’œil comme quoi je peux faire une photo. De toute façon, les conditions d’éclairage, les reflets, les plexiglas en certains endroits, autant de raison de trouver des belles images disponibles en quantité ailleurs sur le Web, réalisées dans d’excellentes conditions, par des professionnels. Je refuse donc.

Photo prise sur le Web... puisque je n'avais pas le
droit d'en prendre!
À la sortie de la troisième tombe, je propose à Andréanne de grimper un peu dans la montagne environnante pour avoir un point de vue. Ça ne fait pas dix minutes que nous sommes partis qu’on nous interpelle, qu’on veut nous guider, qu’on demande encore de l’argent. Je prends quelques photos et on redescend. En moins de deux heures, au moins sept ou huit personnes nous ont demandé des sous. On doit accepter que ça fait partie de la visite, surtout que peu nombreux comme touristes, on est grandement sursollicités. On décide alors de ne pas visiter d’autres tombeaux et de ramener les tickets intacts au conducteur. Une note cependant fort encourageant par rapport à la visite faite en 1985 : les «rivières de bouteilles de plastique» qui coulaient entre les entrées des tombes les plus fréquentées sont disparues. J’avais trouvé, à l’époque, un peu triste qu’un site archéologique d’une si grande valeur soit si négligé Force d’admettre que de ce côté, la situation s’est améliorée, même globalement, avec l’installation de nouvelles toilettes, d’aires de repos couvertes, certainement appréciées en été quand le mercure dépasse les 30˚C.

Comme convenu avec notre chauffeur, je signale son numéro quinze minutes avant le moment qu’il viendra nous prendre pour nous mener à notre prochaine destination. Ça sonne, je raccroche… ça fonctionne. Cependant, dans le passage de la sortie de la zone d’accueil jusqu’au stationnement, on fait passer les touristes dans une allée de commerçants. Ce n’est pas long que plusieurs nous offrent des souvenirs de toute sorte. Andréanne se retrouve rapidement avec une jolie robe blanche sur l’épaule. Elle a beau vouloir la lui redonner, le vendeur insiste pour que je la vois la porter. C’est combien? Attendez voir. Venez dans ma boutique, essayez-la. Andréanne fait l’essai. Elle n’est pas certaine, quoique j’aime bien. Le vendeur en demande 300 LE. J’offre 50 LE. C’est comme un jeu. L’un demande trop, l’autre n’offre pas assez. On termine à 100 LE (15$). Pour se renflouer un peu, il me sort une chemise blanche en coton égyptien, que j’obtiens encore pour 100 LE. Il est tellement content qu’il demande de faire des photos à tour de rôle, en profite pour faire des bisous à Andréanne… il lui donne même un petit cadeau avec des images de Nefertari et Ramses II, un peu hors registre, mais bon, c’est offert, on ne peut refuser. Le chauffeur est là et on parvient à s’extirper de la fin de l’allée marchande malgré la quantité de vendeurs qui attendent leur tour.

Oups! Ce n’est plus le même… le fils de l’oncle. Sympa, courtois, il nous mène à notre prochaine destination, le Temple d’Hatchepsout. Comme l’heure avance, il y a de plus en plus de touristes. Bonne chose me dis-je, les marchands et les pseudo-guides vont être un peu plus débordés et nous laisser tranquilles. Aussitôt débarqués de la voiture, un petit garçon d’environ huit ans veut vendre un petit bonhomme en peluche ou un petit dromadaire réalisés par sa maman à Andréanne. C’est pour manger clame-t-il. Ouche! Nous sommes encore confrontés ici à la pauvreté d’une large majorité. Des dizaines d’enfants nous aurons ainsi sollicités toute la semaine durant.

On paie les tickets (50 LE), on entre, on ne prend pas le train cette fois, on marche. La distance est courte, mais la grande majorité des touristes se laissent embarquer. Nous avançons tranquillement vers ce magnifique temple de cette grande reine, construit à flanc de montage dans une vallée voisine de celle des rois. Si nous avions pu parvenir au sommet de notre ascension plus tôt de l’autre côté, on aurait pu avoir une vue spectaculaire sur ce temple. Mais bon, nous allons nous contenter de notre vue de face, très intéressante. 


Ici, les photos sont permises. J’en profite donc pour aller chercher quelques détails des fresques en bas-reliefs et encore colorés qu’on y retrouve. Midi approche, le Dieu Soleil est à son zenith. Il fait beau et chaud, probablement autour de 25˚C. On fait le tour tranquillement, puis je sonne notre chauffeur qui nous prend cette fois sans que nous soyons trop assailli par des marchands. Direction : restaurant égyptien pour se rassasier.

En chemin, j’aperçois les colosses de Memnon, aussi très imposants. On s’arrête le temps de quelques poses, puis on se rend au resto, à moins d’un kilomètre. Notre chauffeur nous explique qu’il préfère celui-là pour la qualité des éléments. Pas de problème. 

On se retrouve sur une chouette terrasse, avec une bonne Stella, grand format, plein de salades et un «mix grill », une portion pour deux, c’est bien assez à l’heure du lunch. Délicieux. Là encore, presque pas de clients, mais un très bon service. Prochaine étape, la Vallée des Reines. Non réplique le chauffeur, les tombeaux des Nobles, plus sur notre chemin. Je n’insiste pas, mais je comprends à l’arrivée que nous ne sommes pas ses seuls clients pour la journée. En effet, une dame seule attendait la voiture, ce qui explique aussi le retard du chauffeur à la sortie du Temple d’Hatchepsout. Le coût à 180 LE pour la journée est abordable, mais il y ajoute au moins une autre cliente, rentabilisant un peu plus sa journée. C’est correct.

On prend donc, hors site cette fois, un billet pour visiter cette vallée un peu isolée, où je me rappelle avoir vu en 2005 plein d’habitations autour des tombes. Un artisan déçu m’apprend en effet que l’état a déménagé la plupart des habitants, dont lui, en 2006. Il y revient quand même chaque jour pour tenter de vendre ses bas-reliefs réalisés dans la pierre calcaire des lieux… mais la qualité du dessin n’est pas fameuse. Désolé.

On entreprend donc l’ascension de la côte pour se rendre à une première tombe, mais on nous indique que notre billet, pour la tome M’Rose, nous limite plutôt à trois autres que celles vers lesquelles nous nous dirigions. On rebrousse donc chemin pour aller vers la direction indiquée. Un gardien nous y attend. Les tombes sont verrouillées et il nous accompagne pour les ouvrir une à une. Il est très aimable, tente de nous expliquer dans un fort mauvais anglais quelques détails intéressants. Ici encore, pas de photo dans les tombes… mais je trouve quand même le moyen d’en prendre une de lui au moment où, avec sa permission, il nous explique comment  étaient éclairés les travailleurs qui creusaient ou décoraient les lieux jadis, par la réflexion de la lumière du soleil par des miroirs bien placés. Ingénieux.

À la fin de la visite, on lui donne 10 LE. Il est tellement content qu’il nous offre de l’accompagner pour nous offrir le thé. Une courte, mais belle relation, du genre de celles que devaient vivre les jeunes qui faisaient la Course autour du Monde il y a quelques années, pensons-nous Andréanne et moi. Expérience que nous aurions tant aimée vivre! On a l’impression de s’immiscer un peu dans le quotidien d’un Égyptien… Un autre, juste à côté, fait ses ablutions et sa prière pendant qu’on nous sert le thé. On vit quelques minutes de calme au cœur des tombes des Nobles.

Dernière destination de la journée, la Vallée des Reines. On retrouve l’oncle au volant de notre voiture, accompagné d’un autre jeune. Il nous explique qu’il n’y a que trois tombes et que ça ne devrait pas nous prendre trop de temps. On ne sait jamais que je réponds en souriant. Il décide alors de continuer à recevoir mon appel, comme convenu le matin, à dix minutes de la fin de notre visite. Bien. Le billet est à 50 LE. Photos interdites dans les tombes. Pas de surprise. Mais on ne sent pas la même pression que dans la Vallée des Rois pour ranger l’appareil dans le sac. De plus, la lumière commence à être intéressante. On amorce la visite, mais on découvre, à la grande déception d’Andréanne, qu’aucune tombe de reine n’est accessible, même pas celle de Nefertari. On se retrouve en effet dans celles de princes, fils de Ramses II. Deux d’entre elles ont des dessins magnifiquement bien conservés alors que la dernière est plutôt noircie, particulièrement dans la salle du tombeau, à cause d’un feu qu’il y a sans doute eu jadis. Les guides offrent ici aussi de nous diriger et de nous laisser faire quelques photos, mais je refuse prétextant que j’en suis à ma troisième visite et que je connais bien l’endroit. À notre sortie, la plupart des étals sont fermés et peu de vendeurs nous attendent. Au moment où je veux appeler l’oncle, je constate que la voiture est déjà là. En route pour le bateau.

Chemin faisant, l’oncle, qui laisse conduire l’autre jeune homme, nous demande si on a passé une belle journée et si oui, on peut lui laisser un pourboire, à notre discrétion. Je lui explique que les discussions de la veille avec son neveu étaient bien claires à ce sujet. C’était 180 LE, tout compris. Il se reprend alors d’une autre façon, nous offrant de nous conduire le lendemain à l’aéroport pour seulement 100 LE… nous avions payé 240 LE à l’arrivée pour nous rendre à l’hôtel! Choquant quand même. J’explique à l’oncle que je vais arranger tout ça avec son neveu, qui est mon contact privilégié depuis la veille. Ce qui semble lui déplaire. Zut! Tout le monde veut tirer la couverture de son côté, même dans la famille…  Quand nous débarquons, le Tom & Jerry est déjà à l’approche du quai, le Soleil le réchauffe, tout comme le temple de Luxor en arrière plan.

Une fois assis dans le bateau, notre capitaine nous questionne sur la journée et nous propose de l’allonger encore un peu pour voir le coucher du Soleil sur le Nil. Nous hésitons, mais il nous dit que ça lui fait plaisir de passer un peu plus de temps avec ses nouveaux amis, de prendre le thé tranquillement. Il offre même à Andréanne de prendre le gouvernail pendant qu’il fait chauffer l’eau. Bon, on est dû pour un supplément, c’est clair. On se retrouve donc encore près de l’île aux bananes, à la pointe plus au sud, pour assister à notre dernier coucher du Soleil sur le Nil… déjà. On relaxe, on parle un peu de politique, de l’élection surprenante de Morsi alors que selon Mahmoud, la majorité des gens qu’il connaissait était contre. Je lui rappelle que seulement 35% des Égyptiens sont allés votés. Bref, qu’un taux de participation plus élevé aurait pu changer les résultats, non?

On convient aussi de l’heure pour nous amener à l’hôtel, au tarif de 100 LE. Il nous surprend alors en demandant 50% de ce montant en avance. Pourquoi, que je réplique, nous avons toujours payé à la fin de la journée jusqu’à maintenant, comme pour l’excursion d’aujourd’hui, en lui remettant 200 LE au lieu des 180 convenus, à cause de l’heure supplémentaire. Il semble déçu. Je lui explique alors que même si je me trouve en Égypte présentement, j’ai un budget serré, que je ne pourrais pas me payer un tel voyage si je n’étais pas invité par l’Université Senghor, que je n’en aurais vraiment pas les moyens. Il est convaincu à moitié, mais ça illustre le bien le désarroi que vivent beaucoup d’Égyptiens avec la baisse drastique du nombre de touristes depuis le printemps arabe de 2011.

En soirée, on se rend, encore à pied malgré les multiples offres, au marché voisin du temple de Luxor pour y manger. Un délicieux shish taouk, brochettes de poulet grillées, bien épicées et quelques salades sur la terrasse du restaurant Jamboree,  surplombant les étals de quelques marchands qui nous ayant aperçus nous attendent de pied ferme à notre sortie. Andréanne s’en sortira avec un joli foulard en paschmina tout doux, pour seulement 60 LE au lieu des 200 annoncés au début.  Faut vraiment discuter fermement… même si tous répètent que les affaires sont mauvaises.

Revenus à l’hôtel, je tente de reprendre le retard que j’ai dans l’écriture de ce blogue tout en regardant un drôle de film d’animation sur TV5, où un chat parlant tente de réconcilier des individus de différentes races, couleurs et religions. Assez spécial.

J’en profite alors que nous venons, Andréanne et moi, d’arriver de Luxor pour se rendre à Alexandrie avec la voiture de l’université qui nous attendait à l’aéroport du Caire pour dire quelques mots sur cette journée de transit. La brave Andréanne est retournée pour une deuxième fois dans la piscine sur le bateau amarré au quai de l’hôtel pendant que j’avance dans l’écriture du blogue. La chambre libérée, on va attendre notre voiture dans le hall où nous avons accès à Internet une vingtaine de minutes avant de quitter pour l’aéroport. Notre capitaine Zege est ponctuel… plus que l’avion qui décollera avec près de deux heures de retard. J’ai donc écrit cette page durant cette longue attente, jusqu’à maintenant dans la voiture. Beaucoup de circulation pour sortir de la ville. J’ai hâte de voir comment sera la route entre Le Caire et Alexandrie, un trajet qui prend en moyenne trois heures. À suivre!

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